L’OEIL et ses partenaires de la direction de l’environnement de la province Sud (DENV) et du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) se mobilisent sur le terrain pour acquérir des connaissances sur la connectivité de certaines populations de poissons d’eau douce endémiques. Avec une aire de répartition très limitée, ces espèces rares, considérées comme en danger, sont dépendantes de la qualité de leur habitat. Les données collectées devraient aider à assurer leur conservation.
Les rivières du Grand Sud abritent des poissons d’intérêt patrimonial fort. Elles sont pourtant soumises à d’importantes pressions liées aux activités anthropiques ou naturelles, comme l’érosion. La situation du creek de la Baie Nord en témoigne : suite aux déversements d’effluents acides1, en 2009 et en 2014, de fortes mortalités ont été observées. « Entre ces deux épisodes, les communautés de poissons sont presque revenues à leur état pré-accident », témoigne Adrien Bertaud, chargé de projets à l’OEIL. L’origine de cette recolonisation demeure une énigme tant les connaissances sur ces espèces sont maigres. « Ce repeuplement peut s’être produit à partir des populations issues des affluents non impactés du cours d’eau, ou bien des communautés présentes en mer -où ces poissons passent une partie de leur vie (post-larves)- au moment de l’accident », explique le scientifique. Pour le déterminer, l’OEIL et ses partenaires vont étudier le cycle de vie de ces poissons et la connectivité de leurs populations grâce aux échantillons prélevés lors d’une mission terrain qui se déroulera du 9 au 29 septembre 2016.
Vers une meilleure gestion des espèces rares et menacées des cours d’eau
Les scientifiques collecteront les données biologiques et écologiques de trois espèces en particulier : Protogobius attiti, Sicyopterus sarasini et Schismatogobius fuligimentus. Considérées comme endémiques et rares, deux ont déjà le statut « en danger » sur la liste rouge de l’IUCN2. « Si nous montrons l’existence d’une connectivité entre les populations de poissons des différents cours d’eau du Grand Sud, cela signifie que certains cours d’eau peuvent jouer un rôle dans le maintien des populations présentes dans les cours d’eau impactés », souligne le chargé de projets. Fort de ces travaux, l’équipe devrait être en mesure d’identifier les potentiels principaux bassins-versants pouvant jouer le rôle de « réservoirs » pour ces espèces.
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| Les cours d'eau situés dans la zone d'influence de l'usine de Goro | Un Protogobius attiti |
Les rivières du Grand Sud passées à la loupe
Durant 20 jours, l’équipe prévoit de sillonner une trentaine de cours d’eau, représentatifs de l’aire de répartition des trois espèces de poissons ciblées. De la rivière Bleue à la fausse Yaté en passant par la Kwë et les cours d’eau voisins du Grand Sud, ils recueilleront des échantillons de tissu vivant. « Le protocole d’échantillonnage utilisé pour la génétique est non destructif pour la faune et la flore des cours d’eau, précise Adrien Bertaud. Nous capturerons les poissons, leur prélèverons un peu de tissu de nageoire et les relâcherons ». Les données génétiques, ensuite analysées en laboratoire au sein du MNHN, permettront de déterminer comment s’effectue le brassage génétique et la connectivité entre les populations de différents cours d’eau.
Notes
1. Le creek de la Baie Nord, situé en aval du bassin-versant abritant l’exploitation minière et industrielle de Vale NC a subi deux épisodes accidentels aigus de pollution par déversement d’effluents acides en avril 2009 puis en mai 2014.
2. Fondée sur une solide base scientifique, la Liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France est reconnue comme l’outil de référence le plus fiable pour connaître le niveau des menaces pesant sur la diversité biologique spécifique.
Contacts
Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie - OEIL I 23 69 69
Adrien Bertaud : Chargé de projets à l’OEIL I adrien.bertaud@oeil.nc
Phillippe Keith : professeur au MNHN I keith@mnhn.fr
Delphine Bossy : Responsable communication scientifique à l’OEIL I delphine.bossy@oeil.nc