Six baleines à bec se sont échouées le week-end des 16 et 17 novembre à Prony au fond de la baie de la Somme.
Retour sur les faits
Six baleines à bec se sont échouées le week-end des 16 et 17 novembre à Prony au fond de la baie de la Somme. Les gardes nature de la province Sud, deux techniciens de l’Aquarium des Lagons, des plaisanciers et les membres du CTR (moniteurs de plongée) ont tenté de remettre au large les cétacés au cours d’une opération de déséchouage. Quatre d’entre elles n’ont malheureusement pas survécues.
L’association Opération Cétacés, très active dans la protection et la recherche sur les mammifères marins du Territoire, était aussi sur le terrain pour réaliser des mesures et collecter des informations sur cet évènement.
Ces experts souhaiteraient également faire des analyses complémentaires afin d’évaluer l’exposition des individus échoués à divers polluants comme les métaux lourds.
Entretien avec Claire Garrigue et Marc Oremus de Opération Cétacés
À quoi sont liés les échouages de mammifères marins ?Dégradation du milieu marin, déchets flottants, trafic maritime, pollution sonore, maladies, etc. Les menaces qui pèsent sur les mammifères marins sont multiples mais les causes précises des échouages sont difficiles à déterminer. Quelle espèce de mammifère marin s’est échouée le week-end dernier ? Est-elle migratrice ?Il s’agit très probablement de la baleine à bec de Longman (Indopacetus pacificus). Elle a été observée à de rares occasions en Nouvelle-Calédonie. Contrairement à leur nom, les baleines à bec ne sont pas des baleines, mais des cétacés à dents comme les dauphins. La plupart des baleines à bec sont peu connues et très peu d’informations sont malheureusement disponibles sur les baleines à bec de Longman. Elles semblent constituer des groupes compacts généralement composés de quelques animaux à une vingtaine d’individus. Cette espèce réside en milieu océanique et ne fréquente normalement pas le lagon. La situation est donc très inhabituelle. A-t-on déjà vu cette espèce échouée ?En Nouvelle-Calédonie, les échouages de mammifères marins ne sont pas rares. Opération Cétacés en a dénombré plus de 115 depuis 1934. Cependant, la baleine à bec de Longman n’y avait auparavant jamais été observée échouée. Dans le monde, il existe seulement une dizaine d’échouages qui ont été répertoriés. Il s’agit du premier échouage en masse jamais enregistré. Quels types d’analyses avez-vous réalisées sur les baleines à bec échouées ?Nous avons réalisé des mesures morphométriques (mesures de différentes parties du corps). Des prélèvements ont été effectués. Des analyses seront conduites en partenariat avec l’Observatoire de l’environnement : analyses génétiques (analyses de l’ADN) pour connaître précisément le sexe, confirmer l’espèce et les liens de parenté entre individus, analyse de tissus pour détecter et mesurer les concentrations d’éventuels polluants : mercure et métaux lourds dans les muscles, les reins, et le foie. |
Si les prélèvements révèlent la présence d’éléments toxiques dans les chairs, cela sera-t-il signe d’une pollution de l’eau dans la baie ?La santé des organismes marins est liée à celle de son habitat. Les mammifères marins peuvent accumuler dans leurs tissus des métaux, des radio-éléments ou des polluants organiques. Cette bioaccumulation se fait tout au long de leur vie à travers l’alimentation. Les résultats des analyses qui seront faites sur les chairs des individus échoués devraient nous indiquer si ces mammifères ont été exposés à des substances toxiques. Mesurer les niveaux de métaux pourra donc renseigner sur la qualité du milieu marin dans lequel les baleines à bec ont évolué mais ne permettra pas de localiser précisément les sources des potentiels polluants identifiés. Les investigations sous-marines en cours (destinées à inspecter le Grand Tuyau) pourraient-elles être à l’origine des échouages ?La pollution sonore constitue l’une des hypothèses pouvant expliquer les échouages de mammifères marins. Elle peut notamment conduire à stresser l’animal, interrompre ses activités de nutrition, interférer dans les communications sonores entres ces animaux sociaux et endommager sa fonction auditive de façon temporaire ou permanente. L’espèce retrouvée échouée en baie de la Somme est connue pour être sensible au bruit. Cependant, si les opérations n’ont engendré qu’une intensification du trafic maritime dans la zone du canal et des plongées sous-marines, il semble très improbable que les bruits générés soient responsables d’une pollution sonore significative. |